GROUPE: ПАТРИАРХЬ / PATRIARKH
MEMBRES: Барфоломей (voix), Язычник (chœur), Хиацынтос Яца (chœur), Монах Борута (guitare), Монах Тарлахан (guitare), Архангел Михаил (guitare), Лех (batterie)
PAYS: POLOGNE
TITRE: ПРОРОК ИЛИЯ / PROROK ILJA
LABEL: NAPALM RECORDS
GENRE: BLACK MÉTAL
DATE DE SORTIE: 3 JANVIER 2025
Le roi est mort, longue vie au roi! Ou dans ce cas-ci, BATUSHKA numéro 2 est mort, longue vie à PATRIARKH. Si vous avez évolué le moindrement dans la scène black métal ces dernières années, vous avez vu passer la fameuse saga des deux BATUSHKA. Ça doit être la bataille légale la plus célèbre de la décennie dans le monde du black. Ça me prendrait un article à lui seul pour vous expliquer la situation, mais en voici un bref résumé: jadis naquit le groupe original nommé BATUSHKA. BATUSHKA s’est séparé en deux groupes. Ces deux groupes, plus ou moins légalement selon le cas, ont gardé le nom et continué à utiliser le logo, l’image et la propriété intellectuelle en général. Pendant plusieurs années, ces deux BATUSHKA œuvraient dans la scène, enregistrant de la musique différente, sortant des albums différents, faisant des tournées différentes, vendant de la marchandise différente, mais sous le même nom et le même logo. Bien sur, en arrière scène, les deux camps se lançaient la balle coté légal, enchaînant procédures après procédures, poursuites et appels, etc. En 2024, nous avons enfin vu cette fable arriver à, soyons francs, la seule conclusion qui faisait du sens: le nom et la propriété intellectuelle de BATUSHKA ont étés remis au créateur original, et le “faux” BATUSHKA a pris le nouveau nom de PATRIARKH pour poursuivre sa carrière. J’en connais plusieurs qui, comme moi, ont poussé un soupir de soulagement. Il était temps que les membres de PATRIARKH passent à autre chose. Pendant les derniers mois de 2024, le groupe ont fait les “funérailles” de BATUSHKA, puis ont passé le flambeau à leur nouveau patriarche. Maintenant qu’il n’y a plus de problème éthique d’impliqué, c’est plus facile de profiter de la musique de PATRIARKH. Voyons voir ce que nous réserve leur premier album sous ce nouvel étendard.
Пророк Илия (Prorok Ilja en lettres latines, Prophète Élie en français) est un album concept qui suit la vie de Eliasz Klimowicz, un mystérieux prophète ayant vécu en Pologne dans les années 1930. Cet homme, décrit dans des ouvrages historiques comme un paysan illettré apparu de nulle part dans la forêt, détenait plusieurs pouvoirs divins tels faire des miracles et prédire le futur. Il a rapidement été perçu comme Jésus Christ ressuscité par la populace du temps, qui se sont assemblés autour de lui, formant progressivement une nouvelle secte de l’église orthodoxe. Dans les bois, la secte a construit sa version de Jérusalem sur terre, la ville de Wierszalin. Wierszalin devait devenir non seulement la capitale de leur église, mais aussi la future capitale du monde entier. L’ambition était grande, la foi, aveugle. On s’en doute vu les dates citées, la 2ième Guerre Mondiale est venue mettre un bon bâton dans les roues du projet du prophète, rasant Wierszalin et effaçant pratiquement toute présence de la secte. Les quelques survivants ont continué de répandre la légende du prophète Élie, bien que ce fut la fin de Wierszalin. Atlas Obscura a un superbe article là-dessus si jamais mon résumé a piqué votre curiosité. Cette histoire fait partie du folklore local de la région de la Podlasie, province au nord-est de la Pologne d’où vient Барфоломей (Bartłomiej Krysiuk, le chanteur et fondateur de PATRIARKH). Пророк Илия est en quelque sorte une lettre d’amour pour sa région natale et son riche passé ésotérique.
L’angle pastoral se ressent fortement dans la musique. Vous ne trouverez pas le black métal auquel vous vous attendez sur Пророк Илия. Non, ce qu’on a ici, c’est un black infiltré, injecté de traditions locales polonaises. Évidemment, on renoue avec les chants de chœur orthodoxes rappelant les services religieux de cette église auxquels BATUSHKA nous avait habitué auparavant. L’album sonne encore comme la trame sonore d’une messe noire, soyez sans crainte. La différence, c’est que ladite messe noire se tient dans une toute petite chapelle locale décrépie au milieu d’un pâturage bucolique dans de la Pologne rurale, au lieu d’une cathédrale ostentatoire comme les albums du précédent projet. Tout est dans l’ambiance. Les compositions sont plus simples, moins denses. On y retrouve une tonne d’instruments folkloriques traditionnels européens: mandoline et mandoloncelle, tagelharpa ou lyre à archet (l’un de mes sons préférés de tous les temps), tympanon, vielle à roue et plusieurs autres instruments que je n’ai pas attrapés au passage, j’en suis certaine. On y entend aussi un orchestre symphonique complet, dont un violon qui fait bonne figure. Coté langues utilisées, Пророк Илия propose des paroles, de la narration et des textes liturgiques en polonais, en grec et en roumain. Les techniques vocales employées reflètent ces différentes cultures. On a même droit à des voix de femmes, ce qui est quand même unique dans le monde du black et qui me remplit de joie à chaque fois. Les voix féminines contribuent fortement à l’ambiance à la fois occulte et idyllique que PATRIARKH s’efforce de créer. Пророк Илия, c’est le black qui rencontre le néo-folk, la trame sonore de film, le livre audio et le service religieux. Clairement, ce n’est pas pour tout le monde. J’ai l’impression que ce projet va être soit adoré, soit détesté par ses auditeurs. Personnellement, j’adore.
Les quatre premiers morceaux, Wierszalin I, II, III et IV, ont des vidéos cinématiques officiels qui les accompagnent. Je vous conseille vivement de faire votre première écoute avec ce support visuel. Пророк Илия est un long jeu avec une identité visuelle forte. Que ce soit les grands plans de paysages locaux couverts de brouillard, les tableaux typiques des années 1930, les costumes de moines de l’ordre du megaloschemos que portent les membres du groupe, ainsi que le nouveau costume de patriarche complètement blanc que porte Krysiuk; chaque plan est marquant. Une fois ces trois vidéos absorbés, vous pourrez fermer les yeux et profiter du reste de l’album avec un film derrière vos paupières.
Ceux qui me connaissent savent que le black folklorique, c’est un peu mon genre de métal chouchou. C’est le black-folk qui m’a ouvert les portes vers le “vrai” black métal il y a environ quinze ans. Il s’agit donc d’un mélange de genres particulièrement précieux à mes yeux, et associé à toutes sortes de bons souvenirs. Je ne suis pas difficile: mettez du tagelharpa quelque part, je suis fan. Inutile de dire que j’étais vendue après à peine trente secondes de Wierszalin I. Wierszalin II offre le parfait mélange entre chant “scream” et chants de chœur. C’est très efficace. Wierszalin III démontre bien la diversité des sonorités qui peuplent Пророк Илия, avec son atmosphère d’église grandiose, pleine d’écho et de résonance. La voix de Eliza Sacharczuk domine Wierszalin IV et c’est un bonheur. Sa prononciation et son intonation sont quasi obsédantes. Le morceau utilise savamment le psaume 135 ainsi que la technique vocale de la monodie. L’influence grecque m’a tout de suite rappelé le légendaire groupe ROTTING CHRIST. Wierszalin V est certainement la chanson la plus lourde et la plus typiquement black du longjeu. Le batteur fait un travail de titan. Les cris torturés et abrasifs sont exquis. Wierszalin VI nous amène à des milles du black métal, dans l’univers de la musique folklorique acoustique. La pièce nous enveloppe comme dans une transe. Wierszalin VII ramène la lourdeur. L’atmosphère est fantasmagorique, à donner la chair de poule. J’adore comment les tambours toms réverbèrent, comme ils prennent de la place. J’aime que cet album me tienne sur mes gardes. Wierszalin VIII clos convenablement l’album sur une note majestueuse et solennelle à la fois. C’est au rythme des chaînes d’un encensoir que le récit du Prophète Élie se termine.
Vous trouverez votre copie de Пророк Илия sur le bandcamp de PATRIARKH. Commencez votre année 2025 en beauté avec ce projet à ne pas manquer.
Vidéos: Wierszalin I & II | Wierszalin III | Wierszalin IV
MAUDE PARADIS-BEAULIEU | CHICKS ROCK MEDIA
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BAND: ПАТРИАРХЬ / PATRIARKH
MEMBERS: Барфоломей (vocals), Язычник (choir vocals), Хиацынтос Яца (choir vocals), Монах Борута (guitar), Монах Тарлахан (guitar), Архангел Михаил (guitar), Лех (drums)
COUNTRY: POLAND
TITLE: ПРОРОК ИЛИЯ / PROROK ILJA
LABEL: NAPALM RECORDS
GENRE: BLACK METAL
RELEASE DATE: JANUARY 3RD 2025
The king is dead, long live the king! Or in this case, BATUSHKA number 2 is dead, long live PATRIARKH. If you’ve been anywhere near the black metal scene in the past years, you’ve heard the now legendary tale of the two BATUSHKA. This strange saga was the black metal legal battle of the decade. I won’t go over the whole situation because that would take an article of its own, but the tl;dr is this: there was once the original BATUSHKA band, which split in half. The two halves kept the name, logos, creative rights and image; with more or less legal grounds to do so. There was judicial back and forth for years as both bands kept releasing new, different music, and going on new, different tours, while under the same name. Eventually, the BATUSHKA name was returned to the original creator, and BATUSHKA 2 renamed itself to PATRIARKH. To see these guys finally do the right thing, renaming themselves and moving on with their own project, pleased me very much. It was about time. I know I’m not the only one that had moral qualms about this whole mess. The new identity allows us to enjoy both bands as the separate entities they’ve always been, without the ethical issues around the intellectual properties since they are now different IPs. I am so looking forward to putting this episode behind us! So without further ado, let us go forth and meet this new PATRIARKH.
Пророк Илия (latinized to Prorok Ilja, translated to Prophet Elijah) is a concept album that follows the real life story of Eliasz Klimowicz, a mysterious prophet of the 1930s in Poland. This apparently illiterate peasant, who appeared from nowhere in the woods one day, could perform miracles and tell the future, among other powers. He was soon seen as Christ reborn. That attracted followers around him, which eventually founded their own version of the Orthodox church and built the city of Wierszalin. Wierszalin was not only to be the center of their new sect but the future capital of the world too, as they so believed. World War II happened soon after however, essentially wiping Wierszalin off of the map. Prophet Elijah’s story was almost lost, safe for a few survivors of the faith who kept it alive by retelling the legend. Atlas Obscura has an in-depth article about it here should you want to learn more about this blip of golden glory in the middle of Poland’s forests. This tale is local to the Podlasie region, a province on the northeastern side of the country which Барфоломей (Bartłomiej Krysiuk, PATRIARKH’s singer and founding member) is from. Пророк Илия is, in a way, a love letter to Krysiuk’s hometown and its rich esoteric history.
This pastoral angle really shines through the music. You will not find the typical black metal you expect on Пророк Илия. No, what we have here is black metal seeped in traditions. We of course see the return of the Eastern Orthodox choir chants that made BATUSHKA’s sound so distinct back on their legendary first album. Пророк Илия does still sound like the soundtrack of a black mass, rest assured. But this time, the mass feels like it’s held in a tiny little church in the middle of a bucolic field in rural Poland, instead of the previous ostentatious cathedral feel. We hear several folk instruments on the record: mandolins and mandocellos, tagelharpas (one of my personal favorite instruments ever), dulcimers, hurdy-gurdies and more I haven’t picked up on, I’m sure. We also have a whole symphonic orchestra involved. We have narration, lyrics and liturgical texts in different languages, from Polish to Greek to Romanian, and the traditional vocal techniques that come from those regions. We even have female vocals that perfectly embed themselves in the idyllic-yet-occult feel PATRIARKH goes for. This is black metal meets neo-folk, meets movie soundtrack, meets audiobook, meets religious service. It will work for some listeners; not at all for others. Пророк Илия was already gonna be a divisive album due to the band’s history, and it pulls no punches in terms of the approachability of its music too. You’ll love it or you’ll hate it. I personally love it.
The first four songs, Wierszalin I, II, III and IV, all have official music videos. I recommend doing a first listen accompanied by the clips, as the record has a strong visual identity. From the band member’s Grand Schema monk costumes and Krysiuk’s new all white orthodox patriarch outfit; to the fog-laden local landscapes and the 1930s rural sets and characters; to the magical and mystical atmosphere; these three videos create a distinct cinematic universe. Once you’ve watched them, the remaining songs stay envelopped by the visuals. It’ll be like a movie behind your eyelids.
Those who know me know I’m a slut for folk black. The folk and black metal hybrid genre is the one genre that got me into “true” black in the early 2010s, that helped me break through the wall of sound, that made me understand it. I hear a tagelharpa, I’m in, it’s that simple. So I was sold on Пророк Илия within the first 30 seconds of Wierszalin I. The choir vocals mixed with the harsh vocals hit just right on Wierszalin II. Wierszalin III showcases the diversity of the band’s soundscape, with it’s grandiose and echo-y church feel that gave me goosebumps. Eliza Sacharczuk’s vocals on Wierszalin IV are hauntingly beautiful. The use of the well known Psalm 135 as lyrics and the Greek style monody instantly reminded me of legendary black metal pioneers ROTTING CHRIST. A standout track for sure. Wierszalin V takes the cake for heaviest and blackest song of the record. The drum work on here is impressive and the tortured screeches are perfect. Wierszalin VI, miles away from metal and much closer to acoustic traditional folk, induces a trance-like state. Wierszalin VII brings back the spookiness and the heaviness. The resounding tom-heavy drum fills are delicious. The black metal elements are dialed in to 11. I love how Пророк Илия keeps me on my toes. Wierszalin VIII closes the 40 minute runtime of the album on an appropriately grandiose note. This entrancing black mass ends to the hypnotizing rhythm of the clacking chains of a thurible. What a listen.
Go grab yourself a copy of PATRIARKH’s new black liturgy over here on their bamdcamp. This is not a release to miss out on.
Videos: Wierszalin I & II | Wierszalin III | Wierszalin IV
MAUDE PARADIS-BEAULIEU | CHICKS ROCK MEDIA