On est assez choyés à Québec ces derniers temps côté messes noires et concerts à saveur de blasphème. La prestation de BATUSHKA et HATE mardi le 18 octobre 2022 passé s’inscrit directement dans cette veine. C’était un petit spectacle à La Source de la Martinière, la foule n’était pas entassée, mais pour les chanceux qui étaient là avec nous, c’était franchement agréable. Une belle dose de violence musicale dont on avait tous besoin. Retour en mots et en images sur cette sombre soirée !
HATE
C’est HATE qui part le bal à 20 h. Personnellement, j’étais là principalement pour ces grands du black métal polonais et je n’ai pas été déçue. La scène est décorée de crânes peints noirs avec un nombre non-naturel de bois de cerfs qui percent l’os comme une étrange couronne.
Des runes ensanglantées sont inscrites sur leur front. Le kit de batterie domine la scène de la Source et une toile de fond aux couleurs du groupe complète l’atmosphère. Nar-Sil, le batteur, est le premier sur scène pour lancer le concert avec une intro orchestrale et un solo. Peu à peu Tiermes, ATF Sinner et Domin prennent place, corpse paint bien appliqué, visages peints blancs et parés de runes noires de toute sortes, vêtements de scène défraîchis comme s’ils venaient de sortir de la tombe pour nous en faire baver avec leur assaut musical. Ils balancent les premiers accords de The Wolf Queen et c’est parti pour une heure de black métal irrévérencieux.
Pour un passage à la Source, le son est particulièrement bon ce soir ! À la console, c’est l’équipe de son et de lumière de la tournée elle-même, et c’est rafraîchissant. Le jeu de lumière est bien en tempo, avec une belle retenue qui permet d’accentuer le groupe sans trop en faire. La fumée est de la partie en quantité raisonnable. Les conditions sont bonnes pour faire de belles photos et profiter de la présence et du charisme des musiciens. Le son est très bon, les instruments restent distincts malgré les milliers de notes à la minute. Et, bien sûr, je me dois d’encenser la batterie. Ceux qui commencent à me connaître à force de me lire sauront que, en tant que batteuse moi-même, c’est le drum qui retient toujours le plus mon attention, surtout lorsqu’on a affaire à une bête comme Nar-Sil.
Je suis heureuse de confirmer que la batterie était extrêmement bien installée et mise en valeur. Il devait y avoir des micros sur chaque petite partie du kit, parce qu’on entendait chaque coup individuellement, clair comme de l’eau de roche, chaque cymbale, et ça vaut vraiment le coup, parce que le batteur de HATE n’a juste pas de bon sens. Après seulement deux ans avec HATE, Nar-Sil a su se tailler une place de choix au top de mon classement de mes batteurs préférés. Le voir en personne jouer avec précision et fureur, c’est toute une expérience. Il était vraiment en forme.
Les autres membres du groupe ne nous donnent pas de répit non plus. Tiermes à la basse interagit beaucoup avec la foule, nous crie de s’agiter, nous donne le rythme pour lever le poing dans les airs et scander des “Hey! Hey! Hey!”. Clairement, le gars s’amuse et est heureux d’être là.
ATF Sinner, à la guitare et au chant, leader de HATE depuis trente-deux ans déjà, est fidèle au poste et il n’en manque pas une. Sa grande expérience de scène lui ressort par tous les pores de la peau : il est en contrôle, peu importe sur quelle scène il est ou dans quelles circonstances, ce frontman est immuable et solide comme du roc.
Domin à la guitare nous sert de l’attitude et de l’autorité à revendre. Il est hypnotisant, ses expressions faciales nous empêchent de regarder ailleurs. Il approche souvent du devant de la scène, le regard fixe qui perce ton âme, guitare pointée vers nous, menton levé comme un challenge, comme s’il nous mettait au défi de réagir et de lui retourner encore plus d’énergie que ce qu’il nous envoie.
Bien que HATE était en tournée en support de leur album de 2021 Rugia (excellent long jeu dont nous avons d’ailleurs fait la critique l’an dernier), la setlist est variée et passe par plusieurs de leurs albums. Je souligne : l’incontournable Sovereign Sanctity de l’album Auric Gates of Veles de 2019, avec son changement de rythme à mi-chemin vers le black-n-roll qui a su mettre le feu à la foule; Erebos qui nous ramène dix ans en arrière avec un groove impeccable; Resurrection Machine de l’album Morphosis de 2008 avec son riff militaire et mécanique; et Hex bien sûr qui clos le concert avec l’intensité malicieuse de cette signature black métal montée au maximum !
BATUSHKA
(Avertissement : dans un souci de transparence, et pour permettre au lecteur de faire un choix éclairé, il nous importe de nommer avant tout la version de BATUSHKA qui était présente. Il s’agit du BATUSHKA de Bartłomiej Krysiuk. Le fait que CHICKS ROCK MEDIA fasse le reportage de leur passage à Québec ne constitue en aucun cas une preuve de support à Krysiuk. Nous ne sommes pas là pour choisir un côté dans le conflit légal qui entoure BATUSHKA. Nous maintenons une neutralité journalistique. Nous reportons uniquement ce que nous avons vu et entendu le soir du 18 octobre 2022.)
Dès que HATE quitte les planches, l’équipe de BATUSHKA se met au travail pour mettre en place leur mise en scène complexe. L’image et les thèmes de ce groupe polonais sont basés sur le blasphème et l’inversion de l’Église orthodoxe. Visuellement, on a donc droit à toute la panoplie d’objets religieux que l’équipe est capable de faire rentrer sur la petite scène de la Source : chaire à prêcher recouverte d’un drap ornemental richement brodé d’or au centre de la scène; croix orthodoxes inversées en métal doré; supports à encens ornementaux; cierges et chandelles votives par dizaines; crânes et ossements rappelant les reliques saintes de manière bien macabre; icônes orthodoxes qui ressemblent à s’y méprendre à des vraies icônes historiques, mais toutes avec un côté sombre et troublant comme des visages vides ou transpercés ou pleurant des larmes de sang; bible décorée d’une croix inversée sur la couverture; ciboire rempli d’on ne sait quoi, mais ce n’est pas des hosties; tout y est pour mettre en place l’intérieur d’une église ténébreuse où la foule pourra aller expier, ou plutôt célébrer, ses pêchés.
Contrairement à un groupe typique, BATUSHKA n’entre pas sur scène depuis l’arrière-scène, mais choisit plutôt d’envoyer ses membres un à un traverser la foule en une procession religieuse. Des gardes de sécurité nous écartent pour laisser passer les trois chanteurs de la chorale en premier. Ils ont le visage complètement couvert et sont vêtus de toges appelées analavos dans la tradition orthodoxe. Il s’agit de l’uniforme des moines de l’ordre du megaloschemos, le plus haut grade dans cette tradition monastique, que BATUSHKA a bien sûr modifié juste assez pour en faire un sacrilège. Ces trois figures masquées allument de l’encens qui se répand rapidement à travers la salle et nous enveloppe dans une odeur particulière et unique : il s’agit du vrai encens que les églises orthodoxes en Pologne utilisent lors des messes.
Ça donne le ton direct. Les trois figures s’affèrent ensuite à allumer les dizaines de chandelles sur la scène à partir de cierges porteurs (ils en remettront deux directement dans les mains de notre photographe tout en lui offrant leur bénédiction).
Le reste des membres du groupe, tous habillés de la même toge, batterie, guitare, basse et chanteur principal, font ensuite eux aussi procession vers la scène accompagnés du son distinct des cloches d’église et de chants religieux en vieux-slave. C’est l’heure de la messe.
Le son reste de bonne qualité, un peu moins clair que pendant HATE, quoi que BATUSHKA utilise davantage d’éléments enregistrés et il y a plus de membres sur scène, ce qui peut avoir contribué au son plus étouffé. La batterie ressort bien, les voix de chœur aussi, mais on perd parfois le chanteur principal lorsqu’il scream. Le jeu de lumière est efficace. Nous avons tous une vue claire sur la scène afin de ne manquer aucun détail de la présentation saturée et ornementale.
Le guitariste et le bassiste jouent tous deux des instruments à huit cordes, élément plutôt unique dans l’univers du black métal.
Seul le chanteur principal est animé, le reste des membres s’apparentant davantage à des statues. Il s’agit probablement à la fois d’un choix stylistique et d’une obligation de sécurité dérivée de la quantité d’objets et de chandelles allumées sur la scène qu’il ne faudrait pas que quelqu’un accroche.
Le chanteur, lui, bouge pas mal. Il passe l’encensoir, nous bénit du signe de Baphomet, mime à lire la bible, tient des crânes devant son visage, dirige le chœur comme un chef d’orchestre, tient des chandelles allumées en X dans les airs et j’en passe. Chaque chanson a sa chorégraphie.
La setlist tire bien sûr principalement de l’album Литоургиіа (Litourgiya) de 2015, album universellement encensé par la critique. Il y a aussi présence du très controversé long jeu Господи (Hospodi) de 2019 et des nombreux EP l’ayant suivi, chansons sur lesquelles je ne commenterai pas par souci de neutralité. Clairement, ce sont les morceaux tirés de Litourgiya qui font le plus plaisir à la foule de toute façon, notamment Ектения III: Премудрость (Litany III: Deep Wisdom) qui cause un mosh pit frénétique et une foule qui chante avec émotion le refrain style chorale.
Une heure et demie plus tard, la communion sombre se termine comme elle a commencée, au son des cloches et avec une procession sens inverse. Les membres du groupe quittent la scène en séparant la foule comme la mer rouge. Spontanément, plusieurs des fans se mettent à genoux de chaque côté de la procession et se prosternent devant BATUSHKA, mains et front au sol. Les membres du groupe donnent leur bénédiction à leurs fidèles, posent leurs mains sur leurs têtes, leur remettent des pics de guitare comme des hosties. Peu à peu, la scène se vide, les membres disparaissent, et l’atmosphère irréelle de la prestation s’estompe, pour nous laisser retourner à la vie normale en dehors de cette chapelle de blasphème intemporelle.
TEXTE: MAUDE PARADIS-BEAULIEU | CHICKS ROCK MEDIA
PHOTOS: MARIE ÈVE DESMEULES | CHICKS ROCK MEDIA
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Québec has been quite spoiled lately in terms of black masses and blasphemous metal bands coming through the city. BATUSHKA and HATE’s show this Tuesday October 18th 2022 fits right in with the theme. It was a rather small show at La Source de la Martinière, the crowd was sparse, but for those of us who were lucky enough to be there, it was a damn good time. A much needed shot of musical violence right in the bloodstream. Come along as we recall this tenebrous evening.
HATE
Polish black metal juggernauts HATE kicked things off at 8PM sharp. I attended the show specifically for them and they never disappoint. The stage was adorned with human skulls charred black, deer antlers sticking out of them like a crown, blood red runes on the forehead. Their massive drum kit dominated most of the space on the small stage and a thematic backdrop completed the look. Nar-Sil, drummer extraordinaire, was the first on stage to lead the show’s orchestral intro and drum solo. Tiermes, ATF Sinner and Domin in turn took to their mark, letting us admire their recognizable corpse paint, faces painted a stark white and crossed with thick black stripes and runes of various shapes. Their stage clothes made it seem like they crawled out of the grave just to smack us across the face with their musical assault. They exploded into the first measures of The Wolf Queen, and we were in for an hour of unhinged black metal madness.
For a concert at La Source, the sound was actually quite good! I was impressed by the unusual sound quality; turns out, the sound and lights team tonight was the tour’s team itself, which makes all the difference. Hats off to their staff. The light show was well paced, deliberate, used sparingly to accentuate the musicians’ charisma and presence. It wasn’t overwhelming and it allowed for good pictures to be taken. While the smoke machine was present, it got used reasonably. The sound quality was great, each instrument remained distinct and well audible even if the speakers were solicited by thousands of notes a minute. And, of course, it wouldn’t be a review by me if I didn’t take a moment to gush about the drums now would it. As a drummer myself, it’s mandatory I take a moment to spell out how wonderfully miked the drum set was. Nar-Sil must’ve had a mic on every single cymbal or something, because every tiny hit on the cymbals was audible, and the man hits things at lightning speed. It’s difficult for black metal drums to not sound fuzzy, so to get to hear the beast behind HATE’s kit in such fine details was a delight. The guy plays with a surgeon’s precision on record, and I can attest he does it live too almost without breaking a sweat. He’s a wonder, one of my favorite drummers for a reason.
The rest of the band were excellent showmen too. Tiermes on bass did the bulk of the crowd work, screaming at us to get rowdy or to chant the typical “Hey! Hey! Hey!” on the beat with our fists in the air. Clearly, he had fun and was just thrilled to be there. ATF Sinner on vocals and guitars, leader of the HATE battalion for 32 years, immutable and unstoppable driving force, showed us how it’s done. His experience and maturity was palpable. He lead us with an iron fist through each song with the practiced ease of a man who has done this a thousand times, but still values every occasion to step on stage, no matter how small. All that matters to him are his fans, and we felt it. Domin on guitars was the wildest of the bunch, serving us equal parts attitude and authority. Charisma rolled off of him in waves, you couldn’t take your eyes away. Armed with cocky facial expressions and a thousand yard stare that made you feel like he saw the insides of your soul, he sauntered up to the edge of the stage and openly challenged the crowd to step up, keep up, give him back as much energy as he gave us.
While HATE were on tour in support of their 2021 album Rugia (an excellent record we reviewed upon release by the way), the setlist plucked from all over the place in their discography. A few highlights of the night were: the ever unbeatable Sovereign Sanctity from 2019’s Auric Gate Of Veles, with its black-n-roll beat switch up that lit a fire under the crowd’s ass; Erebos that took us 10 years in the past with its impeccable groove; Resurrection Machine from 2008’s Morphosis with its military mechanical riff; and of course Hex as the burn-it-all-down closer, pure black metal malice turned up to 11!
BATUSHKA
(Disclaimer: for the sake of transparency, and in order to allow our readers to make an informed choice about the media they consume, it is important for us to clearly identify which BATUSHKA this part of the article covers. It’s Bartłomiej Krysiuk’s project. Our cover of their visit to Québec in no way means that we endorse or support Krysiuk. Chicks Rock Media is a neutral media. We do no pick a side in BATUSHKA’s current legal battle with this article. This is simply a neutral journalistic effort where we will describe what we saw and heard on October 18th 2022.)
The second HATE walked off the stage, BATUSHKA’s team rushed to begin working on their ostentatious set up. This Polish black metal outfit’s themes and image are based on the bastardization and inversion of the orthodox church. As such, they spared no expense to absolutely saturate the stage with as many sacrilegious religious artifacts and objects they could fit in a small space like La Source offered: a center-stage pulpit cover in a richly embroidered gold fabric; golden inverted orthodox crosses; ornamental hanging incense bowls; candles by the dozen, from small votives to huge pillars and all the sizes in between; human skulls and other bones not unlike the holy relics of old; orthodox icons obviously painted to mimic the sacred paintings but in more macabre ways, with blank empty faces for the figures or wounds and tears of blood on them; a bible decorated with an invested cross on the cover; a ciborium containing god knows what but it wasn’t communion wafers. Everything was in place to make the venue feel like a blasphemous chapel for the crowd to visit and atone for, or celebrate, their sins.
Contrary to the typical way a metal bands gets on stage, through the back stage prep area, BATUSHKA chose to make their entrance via a religious procession through the crowd. Security had us move to the side to let the first three members of the band pass, the choir singers. Lit candles in hand, face completely covered, they were clad in monastic vestments from the orthodox tradition called analavos. These garments are reserved for the highest order of monks, the Great Schema, angel-like hermits held in the highest regards, that BATUSHKA of course modified just enough to turn it into blasphemy. These hooded figures burned a specific incense for us, the very same used in the churches in Poland, and filled the venue in its unique scent, lending a distinct velvety haze to the room. They then lit up dozens of candles one by one, took the time they needed until they offered the candles they used to light the others and their blessings to a lucky few in the crowd. Once they were finished, the rest of the band appeared and slowly made their way to the stage. Drummer, guitarist, bassist and main singer, all dressed in the same vestments, faces hidden from us behind a thick black fabric, took the stage to the sound of church bells and choir vocals in old Slavonic. It was time for mass.
The sound quality remained, though a bit more fuzzy than during HATE previously. BATUSHKA used a lot more backing tracks than HATE did, and they had considerably more members and moving parts, so this may explain the slight dip in audio quality. The drums sounded good, so did the choir vocals and when the main singer sang clean, but we did lose him a bit when he moved to harsh vocals. The light show was up to par, which was important since the crowd had a thousand different details to look at. The guitarist and bassist used eight string instruments, quite the unusual sight in a black metal band. Everyone on the stage except for the main singer were rooted in place, barely moving, statue-like. Possibly equal parts stylistic choice and safety decision given the sheer number of open flames and swishy garments on stage at the same time. The main vocalist was as animated as the space permitted, with a different gimmick for every song: he swung a thurible full of incense at us, blessed us with the sign of Baphomet, waved golden skulls around, read the bible and mock-preached, held candles in a X in the air, directed the choir singers like a conductor, etcetera. A new choreography for each track.
The setlist mainly pulled from BATUSHKA’s universally critically acclaimed 2015 album Литоургиіа (Litourgiya). The highly controversial Господи (Hospodi) from 2019 and subsequent trail of EPs and singles were also present, but I will not speak about those songs. Clearly the crowd was there for the Litourgiya tracks anyway, as these ones garnered the most enthusiastic response. Ектения III: Премудрость (Litany III: Deep Wisdom) specifically made quite the impression, blew the mosh pit wide open, and had the crowd enthusiastically signing along to words they probably didn’t know the meaning of but still felt within themselves.
An hour and a half later, this black mass ended the same way it began: with a reverse procession of BATUSHKA off the stage, to the sound of church bells once again. The crowd parted like the red sea. Spontaneously, some fans knelt to the ground on each side of the band members and prostrated themselves before them, hands and foreheads to the ground. The musicians gave them their benediction, hands on the crown of their heads, handing out guitar picks like sacramental bread. Slowly the stage emptied, the hooded figures disappeared, the ethereal feel of this unholy ritual faded, and we returned to our normal lives outside of BATUSHKA’s sacrilegious temple.
TEXT: MAUDE PARADIS-BEAULIEU | CHICKS ROCK MEDIA
PICTURES: MARIE EVE DESMEULES | CHICKS ROCK MEDIA